Les confinés sont-ils des cons finis?

Hier, 37e jour de confinement, j’ai organisé pour ma femme une petite surprise inattendue, à savoir une visite guidée culturelle, histoire de nous changer les idées et de voir autre chose que le bout de notre nez.
 
Le rendez-vous était fixé à 8h00 tapante au n°1 de la petite toilette située au croisement du long Corridor et du dressing-room.
Le tour opérateur avait bien fait les choses puisque nous avons débuté la journée sur les chapeaux de roue avec une  exploration détaillée de la penderie et des mystérieux dédales de la fameuse grotte de l’orifice de la plonge, où nous avons bien failli nous égarer dans le siphon.

Cette aventure trépidante fut suivi par une joyeuse animation proposée par l’équipe entraînante du buffet supérieur gauche, menée placard-battant par Messieurs Estragon, Serpolet, Thym, Poivre, Ache, ainsi que Mesdames Marjolaine et Verveine, qui nous ont bien fait tousser de rire.

Le programme s’est ensuite poursuivi avec un grand voyage-découverte « Premium  Style » du salon, confortablement installés à bord de nos moelleux canapés décapotés à roulettes, bien calés entre deux coussins pour amortir le choc en cas de collision avec le fauteuil récidiviste, que nous avons évité grâce à un subtil détour par la route surplombante  de la grande corniche de l’armoire branlante, vertigineuse mais de toute beauté. Avec à la clé, une superbe vue panoramique et plongeante sur le golfe de l’aquarium et ses fameuses tortues d’eau.

Les commentaires sublimes ont été assurés par la délicieuse voie suave de l’horloge parlante, grâce à la collaboration du combiné téléphonique qui ne cessait de nous agacer avec sa sonnerie d’ambiance. Le tout sous la surveillance de la vieille mappemonde du bureau qui s’assurait que nous gardions bien le cap, au risque de s’égarer et de se retrouver coincé dans un bouchon au fond du siphon de la machine à laver.

 
L’un des moments forts du parcours fut évidement l’arrêt et la visite olfactive du merveilleux jardin botanique du pot de fleur du guéridon, suivi par une visite surprise des plis de la nappe et des pieds moulurés de la table Louis Icx-Vé-i, un modèle unique qu’on ne fait plus depuis longtemps.
 
Après s’être longuement extasiés devant l’extraordinaire beauté des lignes pures et futuristes de l’étendage à linge, nous avons profité d’explorer les étendues inconnues et un peu mystérieuses du balcon de la cuisine pour faire un petit plongeon rafraichissant dans le bocal à poisson. Ce fut divin, l’eau étant à température ambiante, et par chance, nous n’avons croisé aucun requin blanc, seulement un petit rouge qui a paru surprise de nous croiser à si grande profondeur ! Il faut dire que pour le coup, nous avions laissé les masques en dehors du bocal, déconfinement oblige!
 

Après ce court intermède balnéaire où nous avons découvert les joies de la nage en rond, nous avons enchaîné avec la grande visite panoramique de la salle de bain où nous avons eu la double chance de pouvoir assister aux grandes eaux de 13h30 du pommeau de douche et à la sérénade de la chasse d’eau. On nous accorda même le privilège de pouvoir poser nos modestes fesses roturières sur le trône, ce qui fut évidemment un plaisir royal et quelque peu soulageant!

 
A 14h30 précise, après un succulent festin de chips gargantuesque pris dans le four à micro-onde où nous étions toutefois un peu serrés et où je me suis fait une bosse en me redressant trop vite en attendant arriver la chips qu’on nous avait servi, nous avons embarqué à bord de la serpillère-express pour un long voyage monotone en ligne droite à travers le carrelage sans fin du corridor central.
 
Ce qui nous a conduisit, sur le coup des 17h30, dans la chambre de la suite nuptiale où nous avons été surpris d’admirer dans le miroir les portraits de deux inconnus qui paraissaient être de sombres abrutis. Il nous fallut malheureusement patienter deux longues heures avant de pouvoir faire le tour du lit pour se hisser sur le haut plateau du couvre-lit, celui-ci n’ayant pas été libéré par les deux chats qui le squattaient depuis deux semaines. Nous tuâmes donc le temps en écrasant quelques morpions, histoire de ne pas mourir complètement idiots.
 
La journée fut couronnée par un extraordinaire spectacle de son et lumière combinant habilement de bouton pressoir de la lampe de poche de camping, le bouton on/of de la télé et le grincement de la porte du lave-vaisselle.
 

C’est donc éreintés, mais l’esprit plein d’images exotiques, que nous avons finalement regagné la chambre n°1 de la grande suite nuptiale, après une journée mémorable qui restera à tout jamais gravée dans nos mémoires de déconfinis.